Aujourd’hui retraité, Jean-Michel Boullier, ancien secrétaire général du Sgen-CFDT, revient sur son expérience au sein de la Commission européenne.
Quelles ont été tes activités à la Commission européenne depuis 1999 ?
J’ai consacré ces quatorze années au programme « Comenius » qui porte sur l’enseignement scolaire. J’ai d’abord eu la responsabilité d’une nouvelle action, la mise en place des réseaux Comenius, ainsi que les relations avec les associations européennes dédiées à l’enseignement scolaire. En 2006, je suis devenu responsable de l’ensemble du secteur Comenius dans une nouvelle structure chargée des projets directement gérés par la Commission européenne depuis Bruxelles.
Ton expérience d’enseignant a-t-elle été utile ?
Oui, surtout au cours des sept premières années. La connaissance du domaine permet de prêter une plus grande attention à certaines priorités : une pédagogie fondée sur la réussite de l’élève, la réduction des inégalités scolaires ou encore la formation des personnels. Une expérience reconnue apporte de la crédibilité dans le cadre des relations avec les acteurs « externes » : experts indépendants impliqués dans la sélection et l’évaluation des résultats des projets, représentants des universités, associations, autorités publiques des États, parlementaires…
Et ton expérience de responsable syndical ?
Elle m’a aussi été utile, mais, cette fois, surtout au cours des sept dernières années. Mes années de responsabilité au Sgen-CFDT, dans un contexte interne vivant et parfois animé, m’ont indirectement servi à gérer mon secteur à la Commission, par exemple pour l’implication de chacun-e au sein d’une équipe, l’évaluation et la valorisation du travail, la gestion des conflits, l’utilisation optimale des ressources financières.
Quelle est la pratique quotidienne des langues à la Commission européenne ?
Il existe plus de vingt langues officielles dans l’Union, mais seulement trois de travail, notamment pour les réunions sans traduction simultanée : l’allemand, l’anglais, le français. Dans les faits, c’est surtout l’anglais et, dans une moindre mesure, le français, qui sont utilisés. Dans mon secteur, j’ai toujours eu le souci d’un équilibre entre ces deux langues, mais c’est un travail de fourmi, car l’anglais tend insidieusement et par facilité à devenir hégémonique. La promotion de la diversité linguistique est pourtant une priorité politique affichée.
Que ressens-tu à propos de l’image de la Commission ?
La Commission européenne apparaît trop souvent lointaine et bureaucratique, parfois à tort. Les fonctionnaires européens sont des personnes comme les autres, et je crois beaucoup au contact direct avec les acteurs des projets : la communication virtuelle, évidemment utile, ne peut suffire. Il faut aussi dégager davantage de ressources humaines et financières pour les missions sur le terrain.
Des pistes pour le futur ?
Dans l’éducation, il faut plus de visibilité et de lisibilité pour les programmes, plus de vision pour l’avenir. Des moyens importants existent au sein de ces programmes, mais ils sont souvent méconnus par les enseignants et les formateurs, surtout dans certains pays, faute d’une promotion adéquate.
De façon plus générale, au cours de ces dix dernières années, l’intergouvernemental l’a trop emporté sur le communautaire. Or la Commission ne peut être un simple dénominateur commun entre les États. Une Europe plus forte, plus cohérente, plus solidaire est nécessaire, en particulier sur le plan économique et social. Mais cela ne peut se faire sans avancées démocratiques parallèles. Pourquoi pas une élection directe du Président de la Commission par les peuples ?
Comment qualifier ces quatorze années ?
Elles ont été passionnantes. C’est une chance d’exercer des responsabilités et de pouvoir innover dans un milieu totalement interculturel. Dans ces conditions, le temps s’écoule trop vite : je ne l’ai pas vu passer.