Le morcellement et la complexité du système de retraite français le rend incompréhensible pour nombre de travailleurs et de travailleuses. Alors que sa raison d’être est d’offrir des garanties que les marchés financiers ne peuvent proposer, une remise à plat générale est devenue nécessaire pour rétablir la confiance dans le système que beaucoup jugent injuste. Les réponses des 120 000 participants à l’enquête « Parlons retraite » menée par la CFDT en 2018 en témoignent.

Pour la CFDT, seule une réforme structurelle est nécessaire car le financement du système est assuré à moyen terme. Elle refuse toute mesure paramétrique.

Nous portons depuis de longues années la revendication d’une réforme garantissant les mêmes droits et les mêmes règles pour toutes et tous, créant aussi de nouveaux droits. Seule une réforme globale rendant les droits plus lisibles et garantissant l’équité peut permettre de restaurer la confiance des jeunes générations dans le système.

Pour en savoir plus : Décryptage : Niveau de dépenses du système de retraite

Clés de compréhension

  • Un système universel de retraite par points
  • Une ligne ligne rouge pour la CFDT : l'âge pivot
  • Des revendications pour plus de justice sociale
  • Le Sgen-CFDT Orléans-Tours peut vous aider à préparer votre retraite

Le point au 13 janvier 2020

Nous empruntons cet état des lieux très éclairant à notre camarade Olivier Buon, Secrétaire général du SGEN-CFDT de Basse-Normandie

Comme déjà évoqué, les choses bougent au jour le jour. Le 11 janvier, le gouvernement a annoncé un recul majeur sur l’âge pivot, recul salué par la CFDT [Mais un doute subsiste : est-ce un retrait provisoire ou définitif ?]. Nous sommes cependant loin d’avoir un projet global satisfaisant, et donc la fin des discussions n’est pas proche. Pas plus d’ailleurs que la crise sociale n’est terminée, que ce soit globalement, dans l’ensemble du monde du travail, ou plus particulièrement dans l’Education nationale, mise en avant depuis le 5 décembre.

Toutes les organisations syndicales ne sont cependant pas sur la même position que la CFDT. Et jusqu’à maintenant, elles ont largement pu développer leur argumentation. Maintenant que l’avant-projet de loi est public, que le futur système est plus précisément défini, il est possible de ne plus simplement être dans le domaine de l’inquiétude et du procès d’intention, mais au contraire de s’appuyer sur l’analyse.

Tout le monde, sauf une partie du gouvernement, était contre l’âge pivot. Si ce système permet indéniablement de faire des économies, c’est d’une façon injuste, car il repousse de fait l’âge de la retraite de 2 ans. Cela ne veut pas dire qu’il faut crier victoire, car le gouvernement continue à vouloir trouver un équilibre financier d’ici 2027. Des négociations vont commencer et devront se terminer en avril.

Système par point ou système par durée de cotisation ?

Le système actuel fondé sur une durée de cotisation comme le nouveau système par points sont des systèmes par répartition. Ce sont les cotisations des actifs qui financent les pensions des retraités. Ce ne sont donc ni l’un ni l’autre des systèmes par capitalisation, où chacun met de côté de l’argent pour sa future retraite.

La différence entre les deux systèmes par durée de cotisation et par points se trouve dans le mode de calcul de la pension. Actuellement, cela dépend de la durée de cotisation (le nombre de trimestres) et d’un salaire de référence (les derniers 6 mois dans la fonction publique, les 25 meilleures années dans le privé). Si on n’a pas le nombre de trimestres requis, il existe un système de décote qui peut baisser les pensions jusqu’à 25%. Une fois arrivé à la retraite, la pension est fixée et ne bouge plus (sauf augmentation du coût de la vie). Si des paramètres changent (comme la durée de cotisation), deux personnes ayant la même carrière peuvent arriver à la retraite avec deux pensions très différentes, et ces différences restent ensuite durant toute la retraite.

Le système par point est plus simple : les cotisations tout au long de la vie amènent des points. Arrivé à la retraite, le nombre de points permet de calculer une pension. La durée de cotisation n’est plus un élément déterminant : évidemment, plus on cotise longtemps, plus on a de points, mais il n’y a plus de décote. La valeur du point peut varier dans le temps. Le projet de loi prévoit cependant qu’il ne pourra pas baisser et qu’il sera indexé sur les salaires des actifs. Ainsi, deux carrières identiques à 10 ans d’intervalle donneront les mêmes droits à pension.

Autre changement notable prévu par le projet gouvernemental : on passerait de plusieurs systèmes de retraite, chacun avec ses particularités, à un système dit « universel » où tout le monde aurait le même mode de calcul. Le but est d’introduire une équité de traitement. C’est l’histoire du système de retraites actuel qui a amené ces nombreuses différences. Certaines se justifient encore (on peut l’imaginer encore pour les militaires ou les policiers), d’autres sans doute moins. Ce système « universel » est cependant déjà moins universel que prévu, car plusieurs catégories ont obtenu un système qui reste à part.

L’universalité n’est pas l’uniformité

Quels sont les débats autour du nouveau système par point ?

Les arguments fusent depuis quelques mois contre le système par point. Certains sont réels, d’autres reposent sur le procès d’intention. Souvent, les reproches faits au système par point sont tout aussi valables (voire plus réels) avec le système actuel par durée de cotisation. Enfin, certains sont liés à des choix sociétaux, qui seront de toute façon à faire démocratiquement, que ce soit avec le système actuel comme avec un système par points.

Le SGEN de Créteil a publié sur son site des commentaires sur un certain nombre de critiques (attention cependant, au 11/01/2020, l’article n’est pas à jour des derniers développements, certaines infos sont parfois dépassées). On peut cependant en reprendre quelques-unes contenues dans un tract distribué lors de la dernière manifestation du 11 janvier.

  • La part de la valeur du PIB consacrée aux pensions, limitée à 14%, fera baisser automatiquement ces pensions si le nombre de retraités augmente.

Il est d’abord à noter que rien dans le projet de loi n’indique une limite de ce type (voir ici le projet et ici l’exposé des motifs). Au contraire, l’article 9 indique que la part du PIB consacré aux pensions ne pourra pas baisser, mais rien n’oblige à ne pas l’augmenter.

Il faut cependant être clair. Les pensions sont financées par les actifs. On peut décider d’augmenter leur part dans le PIB, mais cela se fera aux dépens d’autres possibilités de choix (l’emploi, l’école, la transition écologique ou autre). Il s’agit ici d’un choix de société, qui doit donc pouvoir être tranché démocratiquement par les générations futures. Et ce, quel que soit le système : par points ou par durée de cotisation.

La valeur du point sera décidée par le gouvernement

C’était effectivement le projet du rapport Delevoye. Le premier ministre avait déjà indiqué qu’au contraire, ce seraient les partenaires sociaux (comme aujourd’hui), qui piloteraient le système. Tout danger est-il écarté ? Non, car le risque est toujours (aujourd’hui comme demain) que le gouvernement impose des conditions draconiennes. Où bien qu’il reprenne la main en cas de non accord entre organisations patronales et syndicats de salariés : c’est déjà ce qu’il se passe actuellement. Là encore, quel que soit le système, s’il est piloté par les partenaires sociaux, il y a nécessité in fine d’un accord ; sinon, le gouvernement (et le Parlement, car il s’agit d’une loi de finances) doivent prendre leurs responsabilités.

La retraite minimum à 1000 euros

Passer la retraite minimum à 1000 euros n’est pas un gros progrès. Le bénéfice par rapport à la situation actuelles est mince (quelques dizaines d’euros). On aurait pu espérer plus. Il n’y a cependant pas de dégradation. D’autre part, il s’agit là encore d’un choix sociétal, indépendant du système de retraite : qu’il soit par durée de cotisation ou par points, c’est un seuil minimum fixé par la loi ; et qui peut donc être augmenté par les députés.

Les femmes seront-elles mieux traitées ?

Les avis sont divergents. Certaines analyses disent que oui, d’autres que non. Il est cependant intéressant de voir l’origine du problème car, clairement, aujourd’hui, dans le système actuel, les femmes touchent des pensions nettement inférieures aux hommes (37% d’écart !). Cette situation est due à de nombreux facteurs (carrières hachées, salaires plus faibles, arrêts plus nombreux à cause des enfants …). Et il est difficile de le corriger dans le système actuel fait de multiples régimes différents.

Avoir un système unifié (ou quasi) permet d’avoir des leviers plus clairs et plus simples. Il reste sans doute à les actionner, dès maintenant si possible, mais il va falloir éclaircir les effets réels du nouveau système : les carrières professionnelles des femmes ont changé depuis plusieurs décennies (nos grand-mères accédaient peu au travail salarié, nos mères davantage (mais souvent dans des emplois vus comme un complément au salaire de leur mari), et elles vont continuer à le faire (dans le bon sens on peut l’espérer !), et cela va impacter les raisons qui expliquent une pension plus faible. S’il faut compenser les arrêts pour élever ses enfants par exemple, ce sera plus facile dans un système unifié que dans le système actuel.

Et dans l’Education nationale ?

Il s’agit d’un débat particulier. En effet, il est acquis que le nouveau système serait très défavorable aux enseignants, aux chercheurs, aux CPE, aux PsyEN. Dans la fonction publique, le passage d’un système prenant en compte seulement les 6 derniers mois à un autre prenant toute la carrière comme base de calcul amènerait de fortes baisses de pension. Pour la plupart des fonctionnaires, cette différence serait compensée par une nouveauté : la prise en compte des primes dans le calcul des points. Mais pour les corps précisés plus haut, il n’y a quasiment pas de primes à prendre en compte ! D’où…

la forte inquiétude des collègues, tout à fait légitime.

Le Sgen-CFDT, depuis le début, a évidemment alerté le ministère et a demandé des compensations. Si pas mal de doutes pouvaient apparaître par rapport à la crédibilité d’un tel échange, il semble aujourd’hui que nous soyons sur la bonne voie. Les annonces du gouvernement semblent suivies d’effets pour l’instant : comme annoncé par Edouard Philippe le 11 décembre dernier, la loi reprend dans son article 1 (ce qui n’est pas anodin), le principe d’une « revalorisation de leur rémunération leur assurant le versement d’une retraite d’un montant équivalent à celle perçue par les fonctionnaires appartenant à des corps comparables de la fonction publique de l’Etat », le tout « dans le cadre d’une loi de programmation » (voir ici le projet et ici l’exposé des motifs). Les discussions commencent dès demain lundi.

Nous sommes donc maintenant bien au-delà de promesses même s’il faut rester prudent.

Il reste en effet des problèmes.

D’une part, si le montant annoncé (une dizaine de milliards) correspond à priori aux besoins de cet équilibrage, on reste pour l’instant dans des annonces, qui seront donc à écrire dans la loi de programmation. Et notre ministre Blanquer a souvent par le passé tenté de nous faire prendre des vessies pour des lanternes (en particulier en début d’année avec ses fameux 300 euros d’augmentation en fait déjà actés par le gouvernement précédent). Il n’est cependant pas le seul à le dire. En particulier, le ministre du budget, Gérald Darmanin, a lui aussi avancé ce chiffre, comme d’ailleurs le président de la République. Et dans ces domaines, la parole de Bercy a plus de poids qui quiconque.

Mais le problème essentiel est l’introduction d’éventuelles compensations par le gouvernement pour ces augmentations. Soit sous forme d’un temps de travail supplémentaire, soit en distribuant l’argent sous forme de primes associées à certaines fonctions ou travaux, c’est-à-dire à certains mais pas à tous. Là le gouvernement reste très vague et refuse de clarifier, ce qui n’est pas de bon augure. On verra dans les discussions qui s’ouvrent le 13 janvier, mais ces compensations ne seraient pas acceptables : il s’agit de rétablir d’une part un niveau de pension de retraites et aussi une baisse tendancielle des salaires des enseignants depuis des décennies.

Il ne faut cependant pas limiter les demandes aux retraites. Clairement, la grève très suivie du 5 décembre a montré l’étendue du malaise dans l’Education nationale (et pas seulement chez les enseignants). Il faut le dire mais aussi trouver des solutions. Entre autres, le Sgen-CFDT a des revendications sur :

  • Les contractuels : les concertations sectorielles dans les ministères doivent aussi bénéficier aux contractuels.
  • L’amélioration des règles de reclassement : il faut cesser de pénaliser celles et ceux qui intègrent un corps de la fonction publique après avoir été agent contractuel ou après une première carrière dans un autre corps de la fonction publique ou dans le secteur privé.
  • La réduction drastique des inégalités femmes-hommes sur tous les éléments de rémunération : il y a urgence à agir tant les primes creusent les inégalités entre femmes et hommes, sauf lorsqu’elles sont forfaitaires et servies à tous.
  • L’aménagement des fins de carrière : les nouveaux droits en la matière doivent être accessibles au plus vite.
  • Les enjeux de pénibilité : des personnels sont aussi concernés à l’Éducation nationale, l’Enseignement supérieur et la recherche, la Jeunesse, les Sports et l’enseignement agricole public.

Il y a dans ces domaines de bons espoirs. Cette semaine se sont ouvertes dans la fonction publique les discussions sur la pénibilité (y-compris les risques psycho-sociaux qui nous concernent plus) et les fins de carrière (le compte-rendu de la première réunion, la déclaration CFDT), en lien avec le projet des retraites.

Encore une fois, il n’est pas question de crier victoire. Nous en sommes encore très loin.

Si la CFDT entre dans les discussions, cela ne veut pas dire qu’elle donne un blanc-seing au projet du gouvernement. Les défis restent nombreux et in fine, si les améliorations ou les garanties dans les différents textes ne sont pas suffisantes, elle ne s’interdira pas de les refuser.

 

Téléchargez les images - 0

Pour le retrait de l’âge pivot !

La CFDT a lancé une pétition contre l’âge pivot : Retrait de l’âge pivot : la retraite à 64 ans, c’est non ! Merci de la signer et de la faire signer !

Communiqué du 7 janvier 2020 : Pour concrétiser ses intentions d’ouverture, le gouvernement doit retirer l’âge pivot

LE GOUVERNEMENT DOIT REVOIR SA COPIE, MOBILISONS-NOUS !

Réforme des retraitesLe contexte actuel n’est pas simple. Difficile de savoir avec certitude quelle stratégie est la meilleure pour être efficace dans les discussions. D’un côté, la CFDT ne peut pas se retrouver derrière un mot d’ordre unique du retrait de la réforme. D’un autre côté, le Sgen et la CFDT ont des revendications claires (voir dernier tract et ci-dessous), mais pas forcément la capacité de les faire entendre dans les mobilisations en cours.

Les Unions Départementales CFDT organisent des rassemblements CFDT samedi 11 janvier et vont rencontrer les parlementaires. L’action syndicale, ce n’est pas seulement dans la rue !

  • à TOURS, la CFDT appelle à un rassemblement  à 14 h place Jean Jaurès
  • à BLOIS, la CFDT appelle à rejoindre le cortège, même si les autres OS, ne l’ont pas conviée, au rassemblement prévu à 10 h 30 au parc des expositions, pour un défilé prévu jusqu’à l’esplanade du Château.
  • à ORLEANS, un pôle CFDT sera organisé de 14 h à 17 h Place du Châtelet, près des halles.

Si vous le désirez, nous pouvons venir animer des Heures d’Info Syndicale dans vos établissements.

Pour aller plus loin...

  • Les revendications de la CFDT et du Sgen-CFDT

    Pourquoi la CFDT et le Sgen-CFDT veulent une réforme ? Nos revendications sont guidées par nos valeurs : solidarité, égalité, émancipation et démocratie. Elles sont portées depuis plusieurs années par la CFDT après avoir été débattues par les adhérents et militants.

  • [Entretien] “L’âge pivot est injuste, inutile et rejeté par la population”

    Alors que la situation se tend sur la réforme des retraites, Laurent Berger joue carte sur table et réaffirme ses lignes rouges de la CFDT. Il revient sur la mise en place chaotique des comités sociaux et économiques (CSE) sans oublier d’évoquer les grands chantiers sociaux de ce début d’année.