Au-delà de la loi travail – L’éditorial de Frédéric Sève

L'éditorial de Profession Éducation, le mensuel du Sgen-CFDT, n° 244 (mars 2016).

LA VERSION INITIALE DE LA « LOI TRAVAIL » était clairement trop déséquilibrée pour être acceptable et devait être revue.

Loi travail - Frédéric Sève

Mais, au-delà des « verrues ultralibérales » dénoncées par la CFDT, la colère que l’avant-projet a soulevée exprimait aussi un ras-le-bol plus profond, celui d’entendre dire pour la énième fois que les entreprises iraient mieux si on leur simplifiait la vie en accroissant le pouvoir unilatéral de l’employeur, que ce soit en matière de temps de travail ou de licenciement. Cette façon de ravaler tout ce qui relève de l’intérêt des salariés au rang de contraintes indues et improductives a désormais atteint le seuil de l’intolérable, moralement mais aussi intellectuellement.

LA DÉMOCRATIE SOCIALE RENFORCE L’ENTREPRISE, DE MÊME QUE LA DÉMOCRATIE POLITIQUE RENFORCE LA NATION

Car si l’arbitraire est socialement inacceptable, il est aussi économiquement inepte : c’est en traitant ses salariés comme des pions qu’on multiplie les conflits et les contraintes qui en découlent. On ne simplifiera pas la vie du chef d’entreprise en lui laissant croire qu’il pourrait décider de tout, tout seul.

Bien au contraire, c’est en acceptant partout le principe du dialogue social qu’on se donne la possibilité de produire de meilleures normes, mieux adaptées et mieux partagées, et donc moins contraignantes. Bien loin de l’affaiblir, la démocratie sociale renforce l’entreprise, de même que la démocratie politique renforce la Nation au lieu de la diviser. Inscrire ce principe dans les textes et dans les têtes, voilà quel devrait être l’objectif de la loi El Khomri. Il est encore temps.