Un rapport de l'IGESR publié le 17 octobre explore l’organisation des universités françaises, focalisée autour de leurs composantes (UFR, instituts, écoles) et des défis posés par leur interaction avec la gouvernance centrale et l’administration universitaire.
Les élections universitaires sont passées et les débats n’ont pas eu lieu. Il y a eu à minima la déclinaison de quelques propositions sans aller au fond des orientations où au final, ce qui semble avoir dicté nombre d’électeurs, c’est la défense de pré-carrés ou la promesse de moins de contraintes, plus de liberté et plus d’autonomie. En somme, des postures qui peuvent aller à l’encontre d’une politique d’établissement et pour employer un gros mot, à l’opposé de la mission de l’université : d’être un opérateur de l’Etat pour assurer des missions de service public de formation et de recherche.
Et c’est l’entrée prise par les rédacteurs du rapport de l’Inspection générale publié le 17 octobre 2024 pour laquelle l’Université de Tours a été auditionnée – comme un quinzaine d’autres établissements – pour analyser la place des composantes dans l’université, le contour de leurs missions et leurs relations avec les équipes de gouvernance tout en s’interrogeant sur la position des services administratifs et techniques, des rapports services centraux vs composantes et du positionnement de la recherche et des unités de recherche dans cet écosystème.
Ainsi, les auteurs ont souligné qu’aucun de leurs interlocuteurs n’avaient évoqué le mot étudiant, (ou celui de service public – ndlr). Ce rapport revient sur ces points essentiels qui font l’âme de nos universités. Il s’interroge par exemple de la non-application des dispositions inscrites dans la loi ORE sur notamment l’accompagnement des étudiants autour de leur contrat pédagogique.
Si le rapport dresse un état des lieux des difficultés à « manager » et émet des recommandations dont certaines – nous en sommes sûrs – seront très vite enterrées, il propose de repositionner les services administratifs des composantes sous l’autorité du DGS pour donner plus de cohérence aux politiques publiques et s’interroge sur le regroupement de composantes ou encore la mise en place d’une approche par niveau de formation. La proposition émise par le collectif Autrement de mettre en place de nouvelles synergies dans les formations académiques pourrait être une piste à creuser. Il propose ainsi réinterroger nos fonctionnements, la place la recherche dans les UFR ou des liens Master/doctorat
En tout cas, les analyses et propositions figurant dans ce rapport mériteraient d’être l’objet d’un large débat au sein de notre établissement en y associant tous les acteurs et en particulier les organisations syndicales qui furent les grands absentes de ses auditions alors même qu’elles ont un rôle majeur tant au CNESER qu’au CSA ministériel.
La place des composantes dans l’université (Inspection générale, 2024)
Le rapport explore l’organisation des universités françaises, focalisée autour de leurs composantes (UFR, instituts, écoles) et des défis posés par leur interaction avec la gouvernance centrale et l’administration universitaire. Il met en lumière les contraintes, la complexité et les déséquilibres structurels qui freinent leur adaptation aux attentes des étudiants, enseignants, et chercheurs.
-
Origines et évolution des composantes
La notion de composante, introduite en 1984 avec la loi Savary, s’ancre dans une histoire longue, marquée par des tensions entre autonomie académique et intervention étatique. Ce modèle s’inspire d’une organisation française distincte, différente des universités humboldtiennes (allemandes), où les facultés et écoles préexistent souvent à l’université elle-même.
L’État a encadré l’organisation des universités par un ensemble de règles législatives et réglementaires, sans pour autant offrir de modèle uniforme. Ce cadre, conçu pour équilibrer gouvernance centrale et composantes, a au contraire favorisé une forte dépendance des composantes vis-à-vis de la direction universitaire, renforçant la fragmentation et les déséquilibres de pouvoir.
L’organisation en multiples composantes (UFR, écoles, instituts) et l’existence de structures de gouvernance internes variées rendent le fonctionnement des universités peu lisible. Cela crée des silos et entrave la coopération, notamment entre les composantes et la gouvernance centrale. Cette structure complexe rend difficile une orientation stratégique claire et la mise en œuvre de décisions concertées.
Les composantes résultent d’un empilement historique de structures, marqué par des compromis entre différents acteurs (État, administrations et enseignants-chercheurs) sans modèle stable ou adapté aux besoins modernes. Cette accumulation pèse sur l’efficacité de l’organisation et engendre une faible réactivité aux évolutions académiques et managériales.
-
Complexification et impact organisationnel
Le rapport souligne un maquis réglementaire et une accumulation de structures (UFR, départements, services communs) qui complexifient la gestion et nuisent à une gouvernance unifiée. Les appels à projets nationaux (Investissements d’Avenir, Idex, etc.) ont aussi accéléré cette complexification, en créant de nouvelles structures (graduate schools, instituts transversaux) qui s’ajoutent aux organisations existantes.
La multiplication des niveaux intermédiaires et des composantes autonomes contribue à des conflits de compétences et à une difficile coopération entre administration, composantes et gouvernance. L’absence de définition claire des rôles et responsabilités limite également la prise en compte des besoins des étudiants, souvent perçus comme « apprenants » plus que comme « usagers ».
-
Faible prise en compte des besoins des usagers et du personnel
Le rapport critique le fait que les composantes sont souvent focalisées sur leurs propres dynamiques académiques, sans réelle orientation vers les usagers, c’est-à-dire les étudiants et le personnel. Cela se traduit par une incapacité à adapter les services et formations aux besoins des étudiants, qui sont perçus davantage comme des « apprenants » que comme des acteurs de l’organisation universitaire.
Les relations entre les composantes et l’administration centrale sont tendues, chaque entité ayant des priorités distinctes (les composantes visant l’autonomie académique et la gouvernance centrée sur des objectifs stratégiques et de performance). Cette dynamique de « jeu à somme nulle » empêche les collaborations et produit une organisation mal adaptée aux exigences actuelles du service public de l’enseignement supérieur.
Le rapport critique le manque de structuration dans l’articulation entre recherche et formation, mission centrale de l’université. Les composantes de recherche sont parfois perçues comme marginales par rapport aux composantes de formation, et il n’existe pas de niveau spécifique pour organiser leur synergie.
-
Tensions de gouvernance et faible intégration stratégique
Le rapport note une compétition interne entre les composantes, la gouvernance présidentielle et les services administratifs. Les composantes (notamment les UFR) sont souvent perçues comme autonomes, voire opposées aux intérêts de la gouvernance centrale, qui privilégie une gestion managériale. Cette tension affaiblit la capacité de l’université à adopter une stratégie commune et à intégrer les projets des composantes dans un projet d’établissement unifié.
Les composantes ne sont pas toujours bien intégrées dans les prises de décisions stratégiques. Leur rôle se limite parfois à l’exécution des directives de la gouvernance centrale, ce qui nuit à leur légitimité et affaiblit leur capacité à contribuer pleinement aux missions de l’université.
Ces critiques mettent en évidence la nécessité de réformes pour clarifier les rôles des composantes et leur place dans une gouvernance universitaire plus équilibrée et davantage orientée vers les usagers.