Primes, promotions, remboursements : l’Éducation Nationale multiplie les retards de paiement. Retour sur les causes de ce phénomène et propositions pour en sortir.
Votre promotion a déjà eu lieu mais les effets sur votre salaire sont quant à eux en retard ? Vous avez demandé une prime à laquelle vous avez droit mais elle n’apparaît pas sur votre feuille de paye ? Cela fait des mois que votre employeur doit vous rembourser des frais engagés ? Vous avez été embauché il y a plusieurs mois comme personnel contractuel mais ne percevez toujours pas la totalité de votre salaire ?
Bienvenue dans l’Education Nationale !
Des retards récurrents
Les retards de paye sont récurrents dans l’Éducation Nationale et la situation ces derniers mois ne s’arrange guère. Elle aurait pourtant dû s’améliorer avec la mise en place de PPCR qui a rendu la majorité des passages d’échelon automatiques. Mais en réalité elle a encore empiré : depuis la rentrée 2020 aucune promotion n’a été intégrée à la paye à l’échelle nationale. En cause ? Un souci informatique après un changement de règle sur le calcul de l’avancement pour les personnels en disponibilité. Celui-ci désormais résolu, les avancements devraient pouvoir arriver sur la paye de février dans la plupart des académies, accompagnés de ce que l’Éducation Nationale sait faire de mieux : un versement rétro-actif. Ce souci informatique n’est pas sans rappeler celui qui avait retardé les hausses d’indice prévues par PPCR. Les logiciels de paye antédiluviens de l’Éducation Nationale (il faut les voir pour les croire) sont extrêmement fragiles et rigides. Pire : les tentatives pour les améliorer ont abouti à un échec total et un gigantesque gâchis d’argent public. Il y a pourtant urgence.
Des causes multiples
Mais les soucis de paye n’ont pas pour seule cause les problèmes informatiques du ministère. Parmi les éléments que l’on peut relever on note :
- le manque de personnel dans les services administratifs en charge de la paye, ainsi qu’un turnover constant ;
- la lourdeur des procédures administratives pour bénéficier de certaines primes ou remboursements de frais ;
- le manque d’information vis-à-vis des personnels qui les conduit souvent à ne pas être réellement au courant de ce qui leur est dû ;
- et une fâcheuse habitude à vouloir payer sur l’année suivante les sommes qui sont dues sur l’année en cours qui porte le doux nom de « cavalerie budgétaire ».
Plus largement, c’est toute une culture du retard de paye qui s’est emparée de l’Education Nationale. Être payé avec plusieurs mois de retard ? Quoi de plus normal vous diront bien des responsables hiérarchiques mais aussi des personnels eux-mêmes, désormais habitués à ce traitement pourtant inacceptable. Ainsi une situation comme celle-ci, dont témoigne cette capture d’écran du site iprof réalisée le 4 février 2021, est tout ce qu’il y a de plus classique. Une promotion, pourtant automatique et datant de plus de 4 mois, n’a pas été enregistrée et est toujours indiquée comme une « perspective ». La feuille de paye, elle, n’a évidemment pas suivi. Dans l’Education Nationale, le futur n’est jamais arrivé. Ou bien est-ce le passé qui n’est jamais passé ?
(Tenet, dir. Christopher Nolan, 2020)
Les personnels qui trinquent.
Toujours est-il que quand l’Education Nationale se prend pour Christopher Nolan, ce sont les personnels qui trinquent. Ainsi les personnels néo-titulaires, qui pour beaucoup viennent d’arriver dans l’académie et ont dû engager de nombreux frais, attendent toujours désespérément leur passage à l’échelon 2 qui représenterait pour beaucoup une petite mais réelle bouffée d’oxygène. Notre syndicat est par ailleurs intervenu plusieurs fois et avec succès pour que des personnels contractuels, embauchés il y a plusieurs mois, puissent enfin bénéficier de l’intégralité de leur salaire. Ces retards de paye chroniques sont loin d’être des incidents mineurs et passagers face auxquels il faudrait juste faire preuve d’un peu de patience en attendant que les choses rentrent dans l’ordre. Ils participent, au contraire, de la dégradation des conditions de vie des collègues et de la dégradation des relations entre les personnels et leur administration. Enfin, alors que l’attractivité des métiers de l’Education Nationale est un sujet d’inquiétude constant et récurrent, comment imaginer que de telles pratiques puissent favoriser celle-ci ? Voilà pourquoi il est, pour le Sgen-CFDT Orléans-Tours, urgent de prendre cette question au sérieux. Le ministère doit investir réellement pour permettre une paye rapide, honnête et efficace de ses agents. Cela passe, sans doute, par un investissement dans des logiciels performants. Cela passe aussi et surtout par une meilleure prise en compte de la réalité des services administratifs et la fin d’une politique qui a consisté à vider progressivement ces services de leurs personnels.