Face à l'offensive de l'administration américaine contre ses chercheurs et ses universités, notre gouvernement a annoncé plusieurs initiatives pour accueillir les chercheurs américains. Au delà des annonces médiatiques, la réalité est contrastée.
Depuis son arrivée au pouvoir en janvier 2025, l’administration Trump a lancé une offensive sans précédent contre la recherche et l’enseignement supérieur aux États-Unis, en annulant de nombreux financements fédéraux d’un côté et en exigeant un droit de regard sur les enseignements universitaires et sur le contenu des journaux scientifiques. Cette offensive touche tous les domaines scientifiques, même si les sciences du climat, la biologie et les sciences humaines et sociales sont particulièrement visées.
Face à cette offensive, le gouvernement français a multiplié les annonces publiques pour convaincre les chercheurs américains de rejoindre la recherche française : « Choose France for Science » le 30 avril, puis « Choose Europe for Science » le 5 mai.
Si la CFDT soutient naturellement l’accueil des personnes qui sont menacées par leur gouvernement pour ce qu’elles font, écrivent ou ont écrit, les annonces présidentielles posent de nombreux problèmes.
Tout d’abord, les menaces de l’administration Trump ne visent pas seulement des chercheurs individuels, mais aussi de nombreux programmes de recherche internationaux ou des bases de données qui sont vitales pour les recherches partout dans le monde. Elles concernent notamment les recherches sur le climat, mais aussi sur les maladies infectieuses. Il est vital de sauvegarder aussi ces programmes et ces données, et c’est même une priorité si on ne veut pas perdre des années de recherche dans ces domaines. Vu l’ampleur des sommes nécessaires, c’est un travail qui ne peut se faire qu’à l’échelle de l’Europe.
Ensuite, les disciplines concernées par ces programmes d’accueil ne concernent que les disciplines porteuses sur le plan médiatique : biologie, numérique et intelligence artificielle, changement climatique. Les chercheurs qui travaillent sur les discriminations, le racisme, le sexisme et de façon générale en sciences humaines et sociales sont les premiers visés par l’administration Trump mais sont oubliés dans nos programmes d’accueil. Il est vrai que ces disciplines font aussi l’objet, en France même, d’attaques tout aussi virulentes et infondées. On ne peut donc qu’espérer que l’omission de ces disciplines ne soit pas une manière de céder à ces attaques.
Ces programmes d’accueil de scientifiques propagent aussi l’idée que la recherche est une affaire de personnes, de chercheurs stars, alors que c’est avant tout un travail d’équipe, collectif.
Ils sont dans la continuité de la politique de starification et d’individualisme qui est derrière plusieurs réformes des dernières années, et notamment les Chaires de Professeur Junior (auxquelles nous sommes opposées). Le gouvernement pense qu’attirer à prix d’or des chercheurs renommés lui permettra de dynamiser la recherche française. Cette idée heurte fondamentalement non seulement le réel de ce qu’est le travail de recherche qui est un travail collectif : d’équipe et ou en réseau, mais aussi les valeurs d’un travail en coopération et non en compétition auxquelles nous sommes attachés.
Enfin, ces annonces très médiatisées arrivent dans un contexte global de restrictions budgétaires et de gels de postes pour l’enseignement supérieur et la recherche : 80% des universités françaises ont un budget 2024 en déficit. Dans ces conditions, comment comprendre qu’on annonce fièrement allouer cent millions d’euros pour ces programmes d’accueil le mercredi, alors qu’on avait annoncé la suppression de 493 millions d’euros du budget de l’enseignement supérieur et de la recherche le samedi ?