Le 15 janvier, débutera la négociation sur la situation des contractuels à l'université de Tours. La CFDT présente le résultat de l'enquête contractuels qui pose les enjeux de cette négociation.
Pour répondre aux enjeux d’attractivité, de fidélisation et de sécurisation des parcours professionnels dans un environnement concurrentiel, la CFDT veut proposer un cadre de gestion clair et partagé répondant à la fois aux aspirations des agents, qui peuvent les conduire à envisager des parcours professionnels plus diversifiés, et aux besoins des missions de l’université. Et c’est bien l’objet de la demande de l’ouverture d’une négociation qui doit aborder les thèmes suivants :
- Les modalités de recrutement : nature juridique des contrats (contrat de mission et contrat de projet) recours aux contrats à durée déterminée ou indéterminée, portabilité, durée du contrat, période d’essai.
- L’accompagnement des parcours, la mobilité, les entretiens recommandés et obligatoires, la formation, l’accès aux concours, les modalités de renouvellement des contrats et la cédéisation, l’accès aux droits sociaux.
- La cessation du contrat : l’information faite aux agents, la communication des documents de fin de contrat.
- Les principes de rémunération (la structuration de la rémunération, les conditions de réévaluation de la rémunération et des progressions de carrière ;
- Les modalités d’appropriation du cadre de gestion (par les encadrants, par les candidats) et du cadre réglementaire associé ; l’information des agents contractuels sur les éléments de leur rémunération.
Mais pour partir du réel, de la situation et des attentes des collègues contractuels, la CFDT a réalisé une enquête dont vous trouverez ci-dessous les principaux enseignements.
Les contractuels à l’Université : une force invisible mais indispensable
À l’Université de Tours, un agent sur deux est non titulaire : 218 CDI et 363 CDD. Ces chiffres révèlent une réalité structurelle : les contractuels assurent des missions pérennes de service public, notamment en recherche et en appui à la recherche. Ils sont un moteur essentiel du fonctionnement universitaire. Pourtant, leurs parcours sont marqués par l’incertitude, l’absence de reconnaissance et une précarisation durable.
Qui sont les répondants ? Une diversité de métiers et de statuts
L’enquête CFDT a recueilli des réponses représentatives de la diversité des emplois à l’université correspondant à la typologie de l’emploi contractuel à l’université de Tours :
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Cette typologie montre une hétérogénéité des emplois, allant des fonctions administratives aux activités pédagogiques et de recherche, avec des parcours très variés en termes d’ancienneté, de progression et de reconnaissance.
Des chiffres qui parlent : rémunération, reconnaissance, perspectives
L’enquête CFDT met en lumière des constats alarmants :
- 82 % des répondants estiment que leur rémunération ne correspond pas à leurs missions (100 % pour les catégories B et C).
- 83 % jugent que leur expérience professionnelle n’a pas été prise en compte dans leur salaire ; 75 % pour leurs diplômes.
- 73 % des agents en CDD vivent dans l’inquiétude du renouvellement de leur contrat, avec une charge mentale importante.
- Près de la moitié ignore la nature du financement de leur poste, renforçant le sentiment d’opacité.
Ces données ne relèvent pas d’une « perception subjective » : elles documentent une réalité objective. Les verbatims recueillis illustrent la stagnation salariale, parfois sur plus de dix ans, et l’absence de perspectives malgré des compétences reconnues. Ce ne sont pas des impressions isolées. Elles traduisent une réalité vécue, illustrée par des témoignages forts :
« 12 ans à l’université pour le SMIC, aucune évolution possible. Je partirai dans 5 ans au SMIC. »
« Après 20 ans d’expérience dans le secteur privé, avec un BTS Comptabilité, j’ai intégré l’université en 2010. Aujourd’hui, je suis à l’INM 366. Est-ce normal ? »
« En CDI après 6 ans de CDD, je trouve qu’il est injuste de nous faire attendre si longtemps avant d’être en CDI. »
L’enquête de la CFDT révèle aussi un malaise 57% des répondants s’estiment pas reconnus dans leur travail.
Un décalage entre discours institutionnels et vécu des agents
- Partir du constat et nommer la situation
Ce que révèle cette enquête, ce n’est pas simplement un « malaise » ou des « insatisfactions individuelles ». C’est une précarisation structurelle d’une partie essentielle de l’université. Les contractuels représentent un agent sur deux à l’UT, assurent des missions pérennes, et pourtant leurs parcours sont marqués par l’incertitude, l’invisibilité statutaire et le déni de reconnaissance. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 82% estiment que leur rémunération ne correspond pas à leurs missions, 83% que leur expérience n’est pas prise en compte, 73% vivent dans l’inquiétude du renouvellement. Ce n’est pas de la « perception subjective », c’est une réalité objective que nous documentons.
- Déconstruire les discours managériaux
Aux constats faits, l’institution oppose des arguments que cette enquête permet de démonter : « Les contractuels n’ont pas de carrière », alors même que 70% à disent vouloir faire carrière à l’université. Le problème n’est pas le projet et les perspectives des contractuels mais l’absence de dispositifs institutionnels ; « Vous saviez ce que vous signiez »… Les verbatims montrent que 12 ans, 20 ans, 25 ans après, de nombreux contractuels sont toujours au SMIC ou bloqués. Personne ne « signe » pour la stagnation salariale ; « C’est la contrainte budgétaire ». Pourtant l’université continue de recruter massivement en CDD. Le choix n’est pas entre précarité et disparition des postes, mais entre deux modèles de gestion des ressources humaines.
- Maintenir, renforcer une force collective déjà à l’œuvre
Cette enquête elle-même est déjà une forme d’action collective. De nombreux contractuels ont répondu pour témoigner, parfois avec une charge émotionnelle forte dans les verbatims. En somme, ceci transforme des expériences individuelles en données collectives, et c’est ce qui donne une force politique à notre parole. Les priorités sont clairement énoncées : 84% demandent la transformation des CDD en CDI, 78% l’intégration de l’expérience professionnelle, 66% des règles salariales transparentes. Ce consensus est une base solide pour l’action.
Les verbatims traduisent ce sentiment d’injustice :
« Depuis 2014, je suis contractuelle. J’ai pu signer un CDI, mais mon salaire n’a pas évolué, hormis avec l’augmentation du SMIC. »
Information et la formation : deux enjeux pour les contractuels
L’enquête révèle un manque de clarté et de transparence dans les modalités de renouvellement des contrats :
- 56 % des agents déclarent être bien informés… ce qui signifie que près de la moitié ne l’est pas.
- 73 % des agents en CDD expriment des inquiétudes concernant le renouvellement : cette incertitude constitue une charge mentale importante, avec des répercussions professionnelles et personnelles.
- 49 % ignorent la nature du financement de leur poste, ce qui renforce le sentiment d’opacité ; 18 % savent qu’ils sont recrutés sur des crédits Recherche.
Ce déficit d’information génère stress et insécurité. Les agents doivent chercher des réponses par des canaux informels, ce qui accentue la fragilité de leur position. L’absence de perspectives visibles nourrit un sentiment d’injustice et d’invisibilité.
« On vit dans l’incertitude permanente. Chaque fin de contrat, c’est la même angoisse : vais-je être renouvelé ? »
« Je ne sais même pas sur quel budget je suis payé. Comment se projeter dans ces conditions ? »
Cette situation traduit un problème systémique de communication. L’opacité sur les financements et les critères de renouvellement fragilise la confiance et alimente la précarité. Une politique de transparence est indispensable pour réduire l’anxiété et sécuriser les parcours.
En revanche, l’accès à la formation apparaît globalement satisfaisant, mais avec une nuance sur la connaissance des droits et obligations. La majorité des agents ayant demandé une formation l’ont obtenue, 9 % ont essuyé un refus, 16 % n’ont bénéficié d’aucune formation, soit par absence de proposition, soit par manque de demande.
Et donc, près de 50 % des agents ignorent leurs droits et obligations.
Pour la CFDT, les formations sont pourtant essentielles pour développer les compétences professionnelles, favoriser l’intégration dans le collectif de travail comme ouvrir des perspectives de progression. La formation est un outil stratégique pour sortir de la stagnation professionnelle. Le problème n’est pas seulement l’accès, mais l’information et l’accompagnement. Sans connaissance des droits, les agents ne peuvent pas activer ce levier.
Des priorités claires pour agir
Les réponses des agents dessinent un consensus fort :
- 84 % demandent la transformation des CDD en CDI après trois ans.
- 78 % souhaitent que l’expérience professionnelle soit intégrée dans les contrats.
- 66 % réclament des règles salariales transparentes.
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35 % demandent l’ouverture des postes vacants aux concours
« Ce qui serait vraiment bien, c’est que les entretiens de fin d’année servent à faire évoluer nos salaires. »
De l’isolement à l’organisation : un enjeu collectif
Comme le disait Pierre Bourdieu : « La sociologie sert d’abord à ceux qui en sont l’objet. » Cette enquête est un outil de légitimation et un levier de mobilisation. Elle nous donne la lucidité nécessaire pour agir. La question n’est pas « avons-nous raison ? » : les chiffres en attestent. La question est « comment transformons-nous cette lucidité en pouvoir d’agir ? ».
Un contractuel seul peut être ignoré. Ensemble, organisés, avec des revendications claires et documentées, nous devenons incontournables. C’est ce chemin que la CFDT propose de construire.
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