Etre ou ne pas être en grève le 5 décembre

L'actualité est dominée par la question de faire grève ou pas le 5 décembre et, si oui, sur quelle base. Essai de clarification de la position de la CFDT et du Sgen, vue d'Orléans-Tours.

Dans beaucoup de syndicats CFDT, des adhérent·e·s et même des militant·es commencent à se déclarer prêt·e·s à faire grève le 5 décembre. Même si la confédération CFDT et les fédérations qui la composent n’appellent pas à cette action, on voit des syndicats CFDT (Cheminots) et des SGEN-CFDT (Auvergne, Basse Normandie, Haute Normandie, La Réunion, Languedoc-Roussillon, Nord Pas de Calais), des sections syndicales et même des Unions Départementales comme la CFDT de l’Indre, qui appellent à la grève, sur leurs propres mots d’ordre, au double risque de manquer de lisibilité pour nos revendications dans la masse des mécontentements, et de renforcer des positions qui ne sont pas les nôtres.

Le Conseil Syndical du Sgen-CFDT Orléans-Tours a voté majoritairement contre l’appel à la grève. Mais…

au Sgen et à la CFDT, nous ne sommes pas une secte dans laquelle tout le monde est forcé de penser la même chose. Heureusement !

Nous ne vivons pas dans une bulle étanche, dans l’ignorance des opinions ambiantes. Chacun·e a donc le droit de faire grève le jour de son choix, surtout quand les sujets d’inquiétude et de colère sont nombreux et légitimes…

Nous avons toutes les raisons du monde de n’être pas contents et de le montrer, et nous ne sommes pas neutres !

L’envie est irrésistible de ne pas vouloir cautionner les décisions d’un gouvernement qui jette et va jeter des pans entiers de population dans la précarité, anéantissant au passage les projets de vie de notre jeunesse (sauf à être dans les « premiers de cordées« ).

Néanmoins, nous devons avoir conscience que…

notre type de syndicalisme ne nous permet pas d’être solidaires de tout et n’importe quoi.

Primo, ni au Sgen ni à la CFDT nous n’avons jamais été partisans des grèves où sont amalgamées des sujets très divers (« fourre-tout » et « pot-pourri » sont dans un bateau…) . Nous préférons les actions bien ciblées avec des objectifs clairs et atteignables. Multiplier les protestations tous azimuts ne mène pas loin, même si nous avons de très nombreuses raisons de ne pas être satisfaits (c’est le moins que l’on puisse dire !) du dialogue avec notre ministre actuel et avec ce gouvernement en général, et même si

la philosophie ultra libérale qui les inspire nous semble détestable.

Les organisations syndicales qui appellent à la grève le 5 décembre ne visent ni la politique éducative de M. Blanquer, ni la réforme du Bac et du Lycée, ni la formation des enseignant·e·s, ni la restructuration des CIO, ni la manière dont sont traités les AESH, ni la scandaleuse réforme de l’assurance chômage, ni  la libéralisation de la formation professionnelle, ni la loi de transformation de la fonction publique, ni la grande pauvreté des étudiant·e·s, ni même la souffrance au travail que subissent des collègues qui vont jusqu’au suicide (et ceci est une liste non exhaustive).

L’action du 5 décembre est centrée sur la réforme des retraites et les mots d’ordre de la CGT, de FO et de la FSU reviennent à rejeter toute réforme. Dire « Non à la retraite Macron » est trop globalisant et sera facilement récupéré par les anti-tout. Ce n’est pas la position de la CFDT, qui estime qu’une réforme est nécessaire pour

 gagner en justice sociale pour les polypensionnés, les petits pensionnés et pour les femmes en particulier !

Sans réforme, le système actuel compromet leurs retraites à court terme, et c’est profondément inacceptable. Appeler à la grève, c’est se retrouver derrière ceux qui disent non à la réforme, malgré toute la communication que nous pourrions faire pour expliquer que  nous n’avons pas les mêmes raisons de le faire. Dire non à la réforme c’est laisser perdurer les inégalités actuelles envers les femmes et les polypensionné·e·s. C’est surtout

laisser croire aux futur·e·s retraité·e·s que la réforme actuelle leur garantit une « bonne » pension alors que la plupart devra soit subir une décote importante, soit travailler jusqu’à 67 ans…

La CFDT est la seule confédération à avoir réalisé auprès des salariés une enquête importante (120 000 participants) sur le sujet. Voir les résultats de « Parlons Retraites ». Depuis longtemps, la CFDT est favorable à une réforme du système et, bien que son projet et celui du gouvernement soient bien différents, la stratégie de notre confédération est de toujours chercher à

négocier des avancées et obtenir de nouveaux acquis sociaux.

Or, à ce jour, le problème de la CFDT est que le gouvernement n’a pas clarifié ses intentions (Cf. l’interview de Frédéric Sève datée du 6/11/19). C’est pourquoi, pour la CFDT, la grève du 5 décembre est compréhensible mais elle est surtout une action prématurée, donc inutile tant que le texte de la réforme n’est pas connu.

Naturellement, on peut toujours évoquer la notion de « construction d’un rapport de forces » ; encore faut-il que ces forces ne soient pas divergentes.

La CFDT partage les inquiétudes des salarié·e·s pour chacun·e et pour leurs enfants auxquels le gouvernement prépare un système de retraite qui n’inspire pas confiance. Nous ne pouvons pas ignorer les peurs qui s’expriment… mais la peur est mauvaise conseillère.

C’est pourquoi, comme la CFDT n’ignore pas la légitimité démocratique des parlementaires qui auront à voter la réforme le moment venu, elle estime qu’il faut – avant ce vote – faire le maximum pour en corriger ce qui est inacceptable plutôt que de s’y opposer complètement en vain.

C’est difficile car le gouvernement n’a pas montré jusqu’ici qu’on peut lui faire confiance pour entendre et accepter les propositions de la CFDT !

Evidemment, il est plus facile d’assimiler des discours simplistes, des positions foncièrement conservatrices, des oppositions systématiques et stériles, que de comprendre que, pour nous,

il y a davantage à gagner dans le dialogue et la négociation, et c’est dans notre éthique syndicale.

C’est à nous de faire confiance à nos collègues, jeunes ou moins jeunes, titulaires et stagiaires pour qu’ils sachent mieux où placer leur confiance et, surtout, leur intelligence.

Alors, grève ou pas grève ?

Sur l’opportunité d’appeler à la grève le 5 décembre sur nos propres mots d’ordre (qui pourraient être voisins de ceux de l’Unsa) notre Conseil Syndical a voté contre (67 %), pour (33 %).

Ce n’est pas par modération voire mollesse et encore moins par complicité avec ce gouvernement discrédité, dont la politique semble le plus souvent garantir moins du progrès que de la régression sociale,

une politique qui ne va pas tarder à produire ses effets dévastateurs

comme Laurent Berger lui-même le déclarait récemment dans les médias au sujet de la réforme de l’ assurance-chômage.

La colère et la défiance à l’encontre du gouvernement sont grandes

Mais nous ne pouvons pas appeler à la grève contre un projet de texte de réforme qui est toujours en discussion, alors que la CFDT participe activement à cette discussion pour arriver à un système de retraite plus juste et plus lisible. Voir : Réforme des retraites : ce que veut le Sgen-CFDT.

Il sera toujours temps de nous mobiliser contre le projet gouvernemental quand il sera connu

La question du niveau des pensions reste la plus épineuse dans notre champ syndical et c’est là-dessus que l’Unsa et le Snalc appellent à la mobilisation.

Un courrier prometteur de J.-M. Blanquer ?

Le Sgen-CFDT a reçu un courrier du ministre de l’Éducation nationale – un courrier qui a été arbitré avec le Premier ministre – où le gouvernement renouvelle son engagement à ce que « la mise en place du système universel s’accompagne d’une revalorisation salariale permettant de garantir un même niveau de retraite pour les enseignants que pour des corps équivalents de la fonction publique. » et il annonce que « cet engagement sera formalisé dans le projet de loi créant le système universel« . Pour le Sgen-CFDT, c’est une première consolidation de l’engagement.

Mais pour beaucoup d’entre nous, les promesses de notre ministre quant une future augmentation des traitements nous semblent insuffisantes et risquent encore de décevoir celles et ceux qui y croiront. Cela ne suffira pas à maintenir le niveau des pensions.

C’est pourquoi, afin d’aller plus loin, notre fédération a décidé d’écrire une lettre ouverte au Président de la République, qui est l’expression très claire de nos exigences et d’un avertissement. « Notre objectif est que la réforme des retraites soit juste et acceptable pour tous les agents que nous représentons (…)

En l’absence de compensation suffisante, il ne sera pas acceptable que le nouveau mode de calcul soit appliqué aux agents qui verraient alors leur pension diminuer.

Le Sgen-CFDT exige que l’engagement d’inscrire dans le projet de loi créant le système universel le principe d’une revalorisation salariale permettant de garantir le même niveau de retraite pour les enseignants que pour les corps équivalents de la fonction publique, cela signifie qu’un article du projet de loi portera cet engagement.

Cette première étape doit maintenant être suivie d’une concrétisation budgétaire rapide y compris de manière pluri-annuelle. Par ailleurs des engagements comparables à l’égard des autres personnels de nos ministères doivent être pris.

Au delà des perspectives de rémunération, les personnels attendent également des droits nouveaux, en particulier en termes d’aménagement de fin de carrière.

Tant que tous ces éléments ne sont pas clairement établis, la réforme des retraites ne pourra pas être mise en œuvre, affirme le Sgen-CFDT, qui redoute que la réforme ne soit un échec à plusieurs titres.

Le Sgen attend la réponse du Président Macron

Nous ne sommes pas encore le 5 décembre, mais d’ici là nous verrons si la réponse présidentielle sera de nature à nous rassurer ou à nous pousser nous aussi dans la rue !

A l’issue du Bureau National Confédéral le 21 novembre, il y a eu une conférence de presse sur la réforme des retraites avec Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, et Frédéric Sève, secrétaire national en charge du dossier, et une déclaration CFDT a été communiquée aux syndicats, URI et Fédérations de la CFDT :> 20191121 Déclaration du Bureau national CFDT sur la réforme des retraites

A lire sur le site du Sgen-CFDT Poitou Charentes, l’excellent article : [Retraites] Bon alors, grève ou pas grève…

Et sur le site du Sgen-CFDT Créteil toutes les raisons de faire grève ou pas : Dans le brouillard des retraites : et vous, vous faites quoi le 5 décembre ?

➡️ Voir dossier Retraites sur le site du Sgen-CFDT