Impulser une dynamique autour de la prochaine offre de formation pour répondre à plusieurs enjeux qui s’inscrivent dans nos missions de service public de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, c'était à l'ordre du jour du conseil d'administration du 11 juillet 2022.
La lettre de cadrage de l’offre de formation est un acte d’orientation de la politique pédagogique de l’établissement qui n’est pas qu’un exercice comptable. Elle doit proposer aux équipes pédagogiques une impulsion pour répondre à plusieurs enjeux qui s’inscrivent dans nos missions de service public de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
Le Sgen-CFDT précise les enjeux et les objectifs.
- Offrir aux étudiant·e·s des outils d’émancipation et de construction d’un parcours d’études et de réussite qui implique de les accompagner dans le premier cycle tout en permettant le droit à l’erreur, à la césure et à l’évolution des parcours, afin d’éviter des structures en tuyaux d’orgue ainsi que des trajectoires standardisées à partir de pseudo-choix faits très précocement. En ce sens la modularisation répond à cet enjeu.
- Faire reculer le poids de l’appartenance sociale sur la réussite universitaire suppose de déconstruire le mythe de l’élitisme républicain qui concourt, en fait, à amplifier la reproduction sociale. Il est ainsi nécessaire de répartir les moyens en privilégiant celles et ceux qui en ont le plus besoin. Il faut que les étudiant·e·s les plus en difficulté bénéficient d’un encadrement suffisant et adapté à leurs situations personnelles. Utiliser des formes d’apprentissage variées permet de valoriser des compétences différentes, et donne à chacun·e de véritables chances de réussite. Les dispositifs d’accompagnement et les parcours individualisés prévus par la loi Orientation et réussite étudiante (ORE) sont essentiels pour la démocratisation de la réussite. Mais il convient de renforcer aussi la place des directeurs des études dans leur rôle ou alors s’il y a trop de freins à cette prise en charge d’ouvrir une réflexion sur la mise en place des conseillers pédagogiques en licence.
- Former nos étudiant·e·s à une culture disciplinaire leur permettant de déployer des compétences dans le cadre de leur insertion professionnelle future mais également leur apporter des connaissances pour mieux comprendre la Société et la Nature permettant de répondre aux nombreux défis de notre société (traitement des maladies, alimentation, vieillissement, crise climatique…)
Pour décliner ses orientations, la lettre de cadrage offre un cadre technique qui laisse une large part aux équipes pédagogiques pour construire une offre de formation qui s’inscrit dans la dynamique scientifique de l’Université mais qui doit aussi prendre en compte les attentes sociétales en termes d’égalité des chances, d’émancipation, d’insertion professionnelle des étudiants mais également de formation tout au long de la vie. Pour être plus explicite et cela va mieux en le disant, une formation n’est pas l’agrégat d’aspirations individuelles mais doit répondre à des objectifs pédagogiques, scientifiques et sociétales dans le cadre d’une mission de Service Public, c’est dans ce cadre aussi que les différentes instances élues doivent pouvoir s’exprimer et délibérer.
Aussi pour revenir aux éléments de la lettre de cadrage, nous tenons à souligner la méthode de concertation qui a été celle de l’écoute et du dialogue dans les composantes. La lettre de cadrage a pris en compte nombre des échanges, des questionnements et des interrogations des responsables pédagogiques et laisse aux équipes une autonomie pédagogique importante dans un cadre d’une soutenabilité malgré tout contrainte.
Le Sgen-CFDT souhaite préciser des éléments des débats.
Les 1.500 heures
La question du volume horaire suscite un débat mais en même temps, les évaluations montrent que les étudiants n’ont plus de temps pour travailler en groupe, travailler plus en profondeur leur cours et survolent trop souvent les contenus. La question des 1.500 heures ne doit pas être abordée sous l’angle des charges d’enseignement et des services mais bien sur la déclinaison d’un référentiel dans les apprentissages et les compétences demandées à l’issue d’une licence. Ainsi, si on prend l’exemple du volume horaire de la licence de Droit de Paris Panthéon-Assas dont l’exigence académique et scientifique est connue de tous, un diplômé de licence aura eu 1389 heures de cours (L1 : 507, L2 420, L3 : 471) avec éventuellement 210 heures facultatives dont ces évaluations ont lieu par des points bonifiants.
Aussi, la question des 1500 heures ne doit pas être un chiffon rouge et encore moins un objet d’instrumentalisation mais bien être abordée sous l’aune de la réussite des étudiants.
La construction modulaire
Après trois ans de déploiement, la construction modulaire a montré ses aspects positifs : une lisibilité de l’offre de formation et de la construction pédagogique notamment pour les doubles-diplômes ou les licences à parcours, une lisibilité accrue dans le cadre des réorientations et du traitement des validations des acquis, une possibilité dans certaines licences en L2 et L3 de développer d’autres compétences (parcours études italiennes, géographie, archéologie…).
Il y a aussi des points noirs et non des moindres qui sont à souligner : la mise en place de module 3 construit uniquement à partir des modules 1 et 2 dans d’autres disciplines a montré les limites d’un point de vue des prérequis attendus avec des résultats souvent catastrophiques pour les étudiants et une vraie contrainte en termes d’organisation des emplois du temps pour les étudiants comme pour les enseignants.
Pour compléter la présentation de la lettre de cadrage sur la construction modulaire, il conviendrait de préciser que la construction de l’offre de formation en licence doit aussi permettre aux étudiants d’envisager un parcours de formation en master. Ainsi le module 3 pourra en particulier en L3 s’inscrire dans cette démarche.
Ainsi pour le Sgen-CFDT,
le module 3 d’ouverture disciplinaire ou de renforcement disciplinaire doit également être pensé comme un module qui prépare au parcours de formation en master en adéquation avec la future offre mais également en proposant, en particulier dans les formations où la pression d’intégration en master est élevée, des possibilités de poursuite d’études ou d’insertion professionnelle dans d’autres parcours de formation et/ou dans d’autres universités (Inspé).
Les points bonifiants
L’introduction des points bonifiants dans l’offre de formation permet de répondre à une certaine rigidité de l’offre actuelle notamment dans l’obtention du MOBIL et permet de valoriser des parcours étudiants.
Nous souhaitons qu’en plus du Cercip, il y ait l’introduction de points bonifiants dès la première année pour le sport, une langue vivante 2, l’engagement associatif et culturel ou dans le cadre d’un ou deux enseignements facultatifs par semestre avec un cadrage de 2 fois 3 points par semestre (sur une moyenne à 300/600, cela revient à un complément de 0,20 sur une notation sur 20).
L’enseignement des langues
Sur l’enseignement des langues, on peut se satisfaire que l’argument pédagogique des enseignants de langues ait pu être entendu avec le maintien du volume horaire actuel. Si les situations différent selon les composantes dans l’appropriation de l’outil pédagogique qu’est le Centre de Ressources en Langues, là où les équipes pédagogiques fonctionnent de manière très active, il y a une vraie réflexion sur la progression demandée aux étudiants sur six semestres de 18 heures.
Mais nous vous proposons d’aller plus loin car l’apprentissage d’une ou deux langues vivantes est un véritable passeport pour l’insertion des étudiants et trop souvent la deuxième langue est délaissée. Si proposer une deuxième langue dans le cadre du Cercip est intéressante, il sera ici plus question d’un éveil culturel car l’absence de pratique pendant 18 mois d’une deuxième langue peut être rédhibitoire pour les étudiants.
Aussi, nous proposons de mettre en place dès la rentrée 2024, un dispositif Europe + où les étudiants pourront dès la première année poursuivre une deuxième langue vivante (Espagnol, Allemand) ou des cours d’anglais renforcé.
Ce dispositif complémentaire permettrait aussi de répondre aux attendus exprimés dans la lettre de cadrage relative au Master et à l’apprentissage d’une Langue Vivante étrangères.
L’ouverture au monde professionnel
Si la lettre de cadrage rappelle l’importance du MOBIL comme outil pour permettre aux étudiants d’élaborer leur projet professionnel et d’étude, nous tenons aussi à souligner l’importance du stage en licence comme valorisation du parcours étudiant. La place du stage mériterait d’être précisée et d’être explicite dans les maquettes de formation. Car au-delà de l’aspect pédagogique, il y a également une contrainte réglementaire où seule la présence d’un stage dans la maquette (au caractère optionnel ou facultatif) permet à l’étudiant de réaliser un stage.
La seconde chance
Nous arrivons à la fin de l’année et ce sujet revient fréquemment tant de la part des équipes pédagogiques que des gestionnaires pédagogiques. D’ailleurs, ce point dans la préparation du conseil d’administration a été pour nous un des points fortement débattus en lien également avec la question du contrôle continu intégral. Sur ces deux points, l’université est en retard, les expériences dans d’autres universités (Lille, Nice, Vannes…) doivent être des points d’appui pour voir ce qui marche et ce qui ne marche pas.
A l’heure actuelle, la deuxième session est-elle une deuxième chance ou n’a-t-elle aucun sens ?
Investissement minimum des étudiants comme des équipes pédagogiques, tension sur le calendrier universitaire, mobilisation de moyens humains, il faut sur ce sujet redonner un sens à cette deuxième chance tant dans les attendus pédagogiques que dans la gestion au quotidien. Et il sera hors de question que les outils informatiques ou progiciel entraînent une surcharge de travail aux gestionnaires pédagogiques comme au service de pilotage largement éreintés. Mais de manière générale, il peut y avoir une inquiétude à mettre en place une nouvelle organisation pédagogique qui entrainerait une augmentation de la charge de travail des enseignants comme des gestionnaires pédagogiques. C’est une crainte réelle.
Un travail collectif, interdisciplinaire et associant tous les acteurs de la communauté universitaire pourrait à la rentrée être mis en place sous la forme d’un séminaire « Educathon » déjà expérimenté avant la crise sanitaire et serait indéniablement un élément structurant pour les équipes pédagogiques.
Le Master
Le cadrage proposé permet là aussi aux équipes pédagogiques de pouvoir élaborer un travail collectif grâce à l’auto-évaluation des formations à partir d’un volume horaire dédié. Si nous faisons confiance pour que chacune et chacun travaillent en intelligence pour proposer une offre de formation attractive dans un environnement national fortement concurrentiel, les instances, les élu.e.s à la CFVU comme ceux du conseil d’administration devront cependant pouvoir disposer en amont de l’architecture de l’offre de formation proposée, des nouveautés, créations et suppressions car en dehors de l’aspect pédagogique, ne soyons pas naïfs, il peut y avoir des guerres de territoire qui entrainent aussi à terme des conflits et des souffrances au travail. Le rôle des élu.e.s sera aussi de tempérer ou d’équilibrer les évolutions proposées ou imposées.
De même, il paraît important de pouvoir délibérer sur les répartitions horaires entre les composantes qui prennent aussi en compte les taux de réussite en L3 comme en master 1.
L’apprentissage
En quelques années, l’apprentissage a connu une évolution importante dans les politiques publiques. Pour s’en convaincre, il suffit de découvrir sur le site de la Fonction publique, le nombre d’offres encore disponibles, le 10 juillet : 648 offres dans les Ministères et administrations publiques au niveau L3 et M1, 337 au niveau des masters 2. Ce type de formation est de plus en plus demandé par les étudiants et tous les secteurs d’activité recrutent. Pour le Sgen-CFDT, les équipes pédagogiques auraient une vraie plus value de développer une construction pédagogique intégrant l’apprentissage.
Le suivi de mémoire ou de stage
Ce temps d’apprentissage des étudiants est essentiel dans la formation et entraîne un investissement important des équipes pédagogiques. Pourtant comme le rappelle la lettre de cadrage, la prise en charge de ce temps de travail est très hétérogène entre les composantes et nombreux sont les enseignants-chercheurs qui souhaitent une reconnaissance de ce travail. Nous demandons sur ce point une véritable transparence et équité entre les enseignants-chercheurs de toutes les sections disciplinaires. Nous souhaitons que chaque formation en licence comme en master indique dans le cadre de la prochaine offre de formation et à partir des effectifs actuels, les modalités de prise en charge et de suivi des étudiants. Ce point important devra être un point traité dans le cadre du groupe de travail Régime indemnitaire et référentiel des tâches.
Le conseil d’administration a pu débattre de la lettre de cadrage de l’offre de formation intégrant plusieurs points des échanges et a été adoptée à l’unanimité.