Réforme du collège : l’art de réfléchir en marchant

Et si on prenait le temps de bien mettre en place la réforme du collège ?
Un enseignant de collège, par ailleurs formateur dans l'Académie Orléans-Tours, nous donne son point de vue...

Réforme : pas d’obligation de perfection dès cette année

reforme college

En premier lieu, il ne s’agit pas d’une réforme du collège (parcellaire), mais bien d’un ensemble de réformes à mener de front (programmes, organisations, pédagogies, évaluations). Malgré des heures de préparations et de formations l’an passé, qui peut dire avoir été prêt dès le 1er septembre à de tels bouleversements ? Personne à ma connaissance, et c’est normal.

D’ailleurs, tout au long de la chaine hiérarchique (Recteur, IA-DASEN, IA-IPR…), une information circule sous le manteau, car d’aucuns se risqueraient à l’écrire formellement :

On se donne trois ans pour mettre en œuvre les changements, par contre, on ne reporte pas, on ne fragmente pas le travail : on commence tout, tout de suite. Mais, il n’y a pas d’obligation de perfection dès cette année.

Trois ans, c’est la durée. Spiralaire, c’est la méthode.

Et de fait, cette première année est brouillonne, forcément imparfaite. Il n’est pas dans les habitudes des enseignants de présenter un travail inabouti, ce qui génère un certain malaise dans les salles des profs. C’est particulièrement vrai au sujet de l’évaluation, pierre angulaire des réformes et pourtant sous-estimée par le Ministère. En effet, en ne voulant pas trancher sur la question des notes, en ne communiquant pas assez sur le LSU et sur AFFELNET, en publiant tardivement des documents d’accompagnement (intéressants au demeurant), le ministère a mis à rude épreuve la bonne volonté des collègues et a pris un gros risque sur l’adoption durable des changements.

Il se passe quelque chose

En effet, on observe de la bonne volonté, du travail, du professionnalisme à tous les niveaux, même pour ceux qui de prime abord ne sont pas convaincus du bien

fondé de ces réformes. Les IPR et les formateurs se sont évertués à mettre en cohérence les différents textes. Les personnels de direction se sont mesurés à la complexe réorganisation des services. Les enseignants ont adapté leurs cours en lien avec les nouveaux programmes, ont préparé des EPI, ont critérié des compétences…
Au regard des efforts engagés par chacun, on se désespère (on se démobilise ?) face au manque d’anticipation de la Rue de Grenelle et face à d’autres qui nous accusent à demi-mot d’être des fainéants. Pourtant localement, il se passe quelque chose : à table, on parle de pédagogie, de compétences. Même si certains continuent de donner des notes, tout le monde s’empare du Socle Commun. Ça ne s’était jamais complètement fait dans sa première version de 2005.

Revendiquer : temps de concertation, formation et… le droit à l’erreur

Alors oui, c’est vrai, cette rentrée ressemble à un grand bazar : tout se met en place de façon désordonnée, différenciée, en fonction des priorités des uns et des autres. Mais c’est vivant, les choses évoluent, les lignes bougent enfin !
Plus que jamais, nous devons revendiquer du temps de concertation, de la formation continue, et le droit à l’erreur. Ce n’est pas parce que le bulletin du premier trimestre est présenté de façon baroque que les élèves seront moins bien formés que l’an dernier. On peut faire confiance à nos collègues pour faire leur travail du mieux qu’ils peuvent, comme ils l’ont toujours fait. Le minimum serait d’ailleurs de reconnaitre les efforts considérables et l’engagement durable du personnel, car l’épuisement nous guette et le moral commence à s’étioler.

Enfin, comme pour nos élèves en cours d’acquisition d’une compétence, nous devons collectivement accepter de ne pas invalider définitivement cette réforme qui doit prendre le temps nécessaire pour se mettre en place et porter ses fruits.