Tumultes ….. mais nous ne sommes pas à la cour de Laurent II de Médicis

il y a un vrai enjeu à construire un diagnostic des formations d'avenir associées à des axes de recherches à valeur ajoutée sociétale et ancrées dans les besoins locaux pour les SSH.

La vie n’est pas qu’un long fleuve tranquille

L’environnement feutré et très florentin du CESR est depuis vendredi en crise ouverte. Une lettre ouverte a été adressée au directeur du CESR et la presse locale s’en est fait l’écho. La situation extra-universitaire de notre collègue directeur accroît de fait la résonance à cet appel.

Cette crise est latente depuis plusieurs mois, nos collègues très policés ont alerté à plusieurs reprises et en plusieurs lieux des difficultés dans la gouvernance du CESR, des orientations pédagogiques et stratégiques non partagées par le collectif.

Nos collègues ont eu la délicatesse d’attendre la « fin » des élections municipales pour tenter de trouver une issue à ces difficultés. Ainsi la préparation de la prochaine rentrée universitaire se construit dès aujourd’hui. La démission collective de leurs responsabilités à la veille de l’ouverture de e-candidat doit amener la direction de l’établissement à mettre en place une instance de concertation et nommer un médiateur pour trouver une issue rapide à cette crise. La simple gestion interne au CESR ne semble plus maintenant adaptée à la situation.

Il ne s’agit pas de renvoyer la faute sur ces dysfonctionnements sur les impétrants comme ce fut formulé au dernier conseil d’administration de l’Université par le directeur du CESR mais de trouver une autre voie. Car ce n’est pas d’une simple opposition dont il s’agit mais d’une révolte du cœur historique du CESR qui étonne même par la liste des « contestataires ».

Mais la distance est si grande entre la façon dont on vit et celle dont on devrait vivre, que quiconque ferme les yeux sur ce qui est et ne veut voir que ce qui devrait être apprend plutôt à se perdre qu’à se conserver … Nicolas Machiavel – Le Prince (1513)

Si l’erreur initiale aura été d’absorber l’identité et l’entité CESR au sein d’une Ecole supérieure en intelligence des Patrimoines sans répondre aux inquiétudes du devenir du CESR et réels débats et décisions collectives, il est encore temps d’inventer une nouvelle organisation où le CESR retrouve toute sa place en tout qu’organisme de recherche et de formation et où la définition du rôle et de la place de l’Ecole supérieure en Intelligence des Patrimoines (EsiPat) soient clairement explicités à la communauté universitaire comme auprès de nos partenaires. La commission Recherche comme le Conseil d’administration de l’Université doivent être en mesure de faire des propositions pour nous permettre de conserver nos talents, ensemble mais autrement.

Le Sgen-CFDT avait déjà alerté des difficultés rencontrées dans les instances de l’université sur la question de l’identité et de la lisibilité des formations. En deux ans, la sanction a été immédiate en terme de lisibilité pour les masters historiques du CESR, une chute de 30% des effectifs étudiants et ce chaque année, sans que pour autant les autres masters rattachés trouvent un nouveau développement. La nécessité de revoir au bout d’un an l’organisation pédagogique où ni les enseignants, ni les étudiants s’y retrouvaient est l’illustration là aussi des difficultés d’écouter les pédagogues.

De même, nous avions émis de très sérieuses réserves sur la méthode employée pour « fédérer » les équipes de recherche autour du projet de l’Université Européenne de Recherche (UER). L’échec à deux reprises de ce projet n’a jamais été explicité à la communauté universitaire. La start-up Nation s’est trompée de cible, ici.

Enfin, le changement tout récent du corps électoral du CESR [comme composante] allant bien au-delà des membres de l’équipe de recherche CESR-UMR a été un élément supplémentaire dans la perte d’identité et l’éclatement de la crise au grand jour.

Il est donc de notre responsabilité collective d’ouvrir les portes pour trouver une voie de sortie et acceptable par tous. Mais plus largement nous formulons ici quelques réflexions pour que la communauté universitaire puisse en débattre :

Intelligence des Patrimoines comme d’autres tentatives fédératrice comme le projet Alimentation en son temps pâtissent d’une construction par essence bancale qui est dans la logique de la gouvernance des universités aujourd’hui mais découle également d’un collectif qui ne fonctionne pas. Alors qu’un projet pédagogique et scientifique devrait être porté par un collectif motivé, on voit qu’il s’agit plutôt d’une fenêtre d’opportunité budgétaire mobilisée comme une bannière pour essayer d’attirer des collègues.

On construit des projets pour recevoir des financements et un adoubement sans que leur élaboration soit initialement suffisante. Ainsi, le rapport entre la Région – le politique décideur – et les chercheurs, renvoie à la question du temps et en particulier du temps politique. L’actualité nous rattrape et les choix stratégiques paraissent vite dépassés. Ainsi, la déflagration économique et sociale que nous vivons peut remettre en cause très sérieusement les choix opérés. Prenons deux exemples : Patrimoine joue sur les enjeux du tourisme à l’heure où le secteur va dégringoler, Alimentation continue à jouer avec la gastronomie alors que l’enjeu sociétal est le changement de modèle productif et de consommation, les deux projets qui peuvent avoir leur pertinence ne reposent par ailleurs pas sur une formation de base suffisante à l’intérieur de l’université. Ce sont dans les deux cas des projets rapportés et non portés.

A travers ces choix stratégiques, se pose la question du fonctionnement d’EsiPat. Il faut donc trouver la bonne formule, le bon rattachement, la bonne gouvernance au projet EsiPat autour d’un véritable projet de recherche, de développement et de formation, capable de s’appuyer sur les ressources humaines existantes pour les SSH.

Car il y a un vrai enjeu à construire un diagnostic des formations d’avenir associées à des axes de recherches à valeur ajoutée sociétale et ancrées dans les besoins locaux pour les SSH. Si les deux expériences Esipat et Alimentation montrent clairement les limites des formes qui ont présidé à leur mise en place : au final la greffe ne prend pas, il faut d’un autre côté pouvoir disposer d’une structure qui permette de dépasser les obstructions pour une approche vraiment soucieuse des débouchés pour les étudiants. Mais c’est une démarche longue et progressive qui doit être un axe de développement de la prochaine mandature et nous le savons cela ne sera pas toujours un long fleuve tranquille.

Enfin, il y a un autre sujet qui mérite d’être débattu, source conflictuelle récurrente entre les trois composantes du secteur SSH, c’est l’existence du CESR comme UFR. La dimension pédagogique pourrait réintégrer les deux composantes des Tanneurs avec pour conséquence possible des engagements plus pluralistes dans les facultés de Lettres et Langues et d’Arts et Sciences Humaines. La question mérite d’être posée et d’être débattue.

L’appel à l’aide de nos collègues du CESR mérite non seulement d’être entendu mais mérite surtout de trouver des réponses à très court terme – la prochaine rentrée – comme à moyen terme et ce sujet concerne pour une large part, la communauté universitaire.