Rapport sénatorial sur la filière administrative : une sous-administration chronique reconnue

Un rapport du sénateur Paccaud, du 22 mai 2024, dit la vérité des prix sur la politique RH du ministère concernant les personnels de la filière administrative de l'Éducation nationale. Il confirme, chiffres à l'appui, sa sous-administration et souligne l'invisibilité des fonctions support.

Sans reprendre le tout du rapport sénatorial, voici quelques points saillants sur cette sous-administration. Il faut également souligner qu’un tel rapport n’avait pas été produit depuis de longues années.

Un diagnostic de l’existant juste et conforme à toutes nos alertes !

Ce rapport, à mettre entre toutes les bonnes mains, permet d’entériner des constats posés de longue date.

C’est notamment le cas de la sous-administration du ministère reconnue par plusieurs ministres successifs. Grâce aux moyens d’intervention des parlementaires, il est désormais possible de la documenter. Tout comme est chiffré le décrochage de la rémunération des personnels de la filière administrative en comparaison avec leurs homologues des autres ministères, et ce, malgré l’effort de rattrapage consenti de 2021 à 2023  par l’éducation nationale.

À l’issue du rapport, 10 préconisations sont établies.

Des données statistiques non équivoques !

Des effectifs en baisse de 21%  entre 2007 et 2022

La filière administrative du MENJ représente 51 757 emplois en équivalents temps plein, soit 4,3 % des emplois en 2022, et subit une érosion de 21 % entre 2007 et 2021. Les personnels de la filière administrative, exercent :

  • 61% en EPLE,
  • 20% dans les services déconcentrés,
  • 3% en administration centrale.

La dernière hausse des plafonds d’emplois des personnels administratifs remonte à 2017.  Ces emplois ont connu deux baisses successives en 2018 et 2019, puis une stabilité jusqu’en 2024.

Une pyramide des emplois peu valorisante des métiers de l’Éducation nationale

à l’Éducation Nationale dans la fonction publique d’État
Part des catégories C 39% 18%
Part des catégories B 30% 20%
Part des catégories A 31% 62%

La proportion de cadres au sein de la filière administrative est donc plus faible au sein l’éducation nationale. Cette pyramide des emplois est peu valorisante et totalement décorrélée du niveau des responsabilités réellement exercées.

Ainsi, au sein des établissements, les fonctions de secrétaires générales et généraux d’EPLE (ex-adjoint gestionnaire) sont indifféremment occupées par les fonctionnaires de catégorie A et B. Il en est de même pour celles de chef.fe de bureau en rectorat ou celles de chef.fe d’un service académique indifféremment occupé par des personnels de catégorie A ou B voire C.

Une rémunération qui décroche par rapport aux autres ministères

La rémunération des personnels administratifs de l’Éducation nationale est largement inférieure à celle perçue par leurs homologues des autres ministères, quel que soit le corps. L’écart est estimé à 360 € mensuels tous corps confondus.  Ces écarts sont accentués selon le corps. Ainsi, pour l’année 2023, l’écart est de

  • 290 € mensuels pour les catégories C,
  • 410 € mensuels pour les catégories B,
  • 390 € mensuels pour les catégories A.

Une sous-administration source de mal-être au travail

Le rapporteur déclare :

qu’au vu du nombre total de personnels, dépassant le 1,2 million d’emplois, ainsi que du nombre d’établissements scolaires, le ministère de l’Éducation nationale parait largement sous-administré par comparaison avec les autres ministères.

En effet, le taux d’administration des ministères, c’est-à-dire le rapport entre le nombre d’administratifs (gestionnaire) et le nombre total de personnels (gérés) est de six pour mille à l’Éducation nationale contre vingt pour mille au ministère de l’Économie.

Cette sous administration est reconnue dans les services déconcentrés comme dans les EPLE, elle est constitutive d’une augmentation de la charge de travail. Elle est source de mal-être au travail.

Des recommandations peu audacieuses et en décalage avec la justesse du diagnostic de sous-administration

La CFDT Éducation Formation Recherche Publiques partage le diagnostic posé par le rapporteur, mais est très réservée quant aux recommandations qui manquent leur cible !

Les recommandations faites par le rapporteur sont quelque peu décevantes en dehors de l‘idée de la sanctuarisation de ce budget consacré à la filière dans le contexte d’austérité budgétaire ambiant. La mise en avant de la nécessité de la formation continue est à souligner.

Ainsi, le rapport préconise le renfort administratif des directions d’école. Ce n’est pas nouveau, mais cela ne dit rien sur les moyens supplémentaires.

Le rapport constate que le rectorat est perçu par les équipes éducatives comme lointain, opaque ou encore complexe. Mais on voit mal en quoi la création de référents territoriaux servant d’aiguillon pour naviguer dans les différents services administratifs constituerait « la » réponse à cela.

Comme indiqué ci-dessus, le rapport atteste de la sous-administration du ministère et donc d’une charge conséquente de travail des personnels. Il est alors paradoxal de conditionner toute augmentation de la rémunération à la réalisation de missions supplémentaires —  toute ressemblance avec un dispositif connu n’est pas fortuite !

Et oui, le rapporteur propose d’étendre le PACTE aux personnels administratifs ! Travailler plus pour gagner plus : nous n’en voulons pas. Le travail actuel, tout le travail, doit être reconnu à sa juste hauteur.

Le temps de travail des personnels administratifs tourne à l’obsession !

Le rapport préconise également l’abrogation de la circulaire de 2002. Après les remises en cause de la cour des comptes, nous ne sommes guère étonnés. Cette remise en cause est motivée par le fait que la circulaire instaure un régime dérogatoire. Mais il ressort des auditions conduites que les personnels effectuent bien les 1607 heures.

Dès lors, cette proposition est surprenante. La conclusion devrait être qu’il n’y a pas sujet de temps de travail pour les personnels de la filière administrative parce que la pratique est conforme à la réglementation. Pourquoi donc demander l’abrogation d’un texte protecteur pour des personnels déjà malmenés ?