Depuis le 16 mars, les enseignants du primaire ont pu observer les limites et les intérêts d’un enseignement à distance pour leurs élèves en difficulté. Il y a là des enseignements à tirer pour l'après...
- Si les enseignants de primaire ont dû faire preuve de réactivité avant tout puis, d’imagination voire d’ingéniosité selon les cas, pour mettre en place les outils d’une possible continuité pédagogique,
- Si les directeurs et directrices d’écoles, souvent enseignants eux-mêmes et en lien avec ces enseignants, ont mis tous leurs efforts dans ce défi de garder le contact avec les familles,
- Si les familles ont mis parfois tout leur cœur à accompagner leurs enfants dans la réception puis le traitement des documents de travail réguliers,
- Si les enseignants de toute la sphère des blogueurs et créateurs de sites pédagogiques spécialisés se sont mis encore plus que de coutume dans le partage de documents utiles à la continuité pédagogique,
- Si « la Nation apprenante » a réalisé en un temps record un extraordinaire outil qu’est devenue la maison LUMNI,
Cela n’a pas suffi et cela ne suffira pas pour garder tous les élèves motivés et réceptifs à ces pourtant nombreuses propositions.
Les limites de l’enseignement à distance
Cet enseignement, tous ses acteurs l’ont mis en œuvre au prix d’heures conséquentes de travail et de préparation. Mais des limites majeures les ont entravés :
- Le manque de matériel informatique performant pour tous et de connexion parfois. Les enseignants à la maison comme les élèves dans leur famille. Chaque enfant ne peut avoir son ordi parfois en plus d’un ou deux parents qui sont en télétravail. Sans parler d’avoir un ordinateur avec micro intégré mais aussi des casques audio, des disques durs externes etc…
- Le manque d’aide aux directeurs et directrices pour la mise à jour très régulière des coordonnées des familles par la relance auprès de celles-ci.
De nombreux numéros de téléphone et d’adresses méls de famille se seront avérées inexactes, jusqu’aux boites à lettres qui n’auront pas été faciles à trouver.
- Le recueil des documents par les parents n’est pas toujours aisé. Fallait-il ou non les imprimer ? Pourtant, on se débrouilleet on écrit !
- Et la visioconférence avec le maitre ou la maitresse ? A quelle heure ? Si tôt ?
- Et le programme Lumni ? L’enfant est accompagné ou pas ?
C’est donc bien aussi de la pédagogie qu’il est question… Ou plutôt du manque de pédagogue, au sens de « celui qui conduit les enfants »
Il ne s’agit pas de dire que les parents seraient tous de mauvais pédagogues, car nous-mêmes enseignants, avouons-le, ne sommes-nous pas, et particulièrement en cette période de confinement, meilleurs pédagogues auprès des enfants des autres ?
Les intérêts de cet enseignement à distance
On peut en trouver pourtant dans le lien à garder entre l’école et les familles.
Ce lien, s’il est vital avec les familles des élèves en difficulté, il n’en est pour autant pas toujours aisé.
Et pourtant, la famille qui ne vient pas « dans » l’école parce qu’elle en est trop « éloignée », parce qu’elle n’a elle-même pas été en réussite avec l’école, doit être encore plus ciblée que les autres.
La famille qui fait ce qu’elle peut avec les difficultés de son enfant et qui reste impuissante à l’aider dans ses apprentissages doit aussi pouvoir être aidée.
L’enseignant du primaire est certes seul pour ses 25 à 31 élèves parfois. Mais il peut y avoir du travail en collectif, organisé avec les enseignants du Rased, les remplaçants sans remplacement au moment du confinement, les PDMQDC… Encore faut-il que les circonscriptions aient en réserve de ces personnels ! Ou suffisamment de ces personnels pour que ceux-ci puissent épauler les collègues avec une classe attitrée.
Le contact téléphonique auprès des familles en cette période particulière prend des tournures plus « intimistes » au sens d’amical, de plus proche. Sans la bannière officielle de l’ECOLE DE LA REPUBLIQUE qui est pourtant bien là, puisque c’est un enseignant de l’Education Nationale qui appelle « l’élève » et non l’enfant.
Des outils appropriés et le facteur temps
Il s’agit alors, en fonction des situations de ces élèves en difficulté, de rassurer ou de mettre un cadre, de guider vers les outils appropriés là où, visiblement, il n’y en a pas.
Des stages mis en œuvre pendant ces courtes vacances et intitulés « dispositif de consolidation à distance » pouvaient n’avoir que cet objectif. A savoir se faire une idée de la difficulté « réelle » empêchant l’élève d’accéder aux apprentissages : un manque de cadre familial, une difficulté propre ?
Et l’on s’aperçoit que le lien entre les différents partenaires autour de la famille est précieux.
L’enseignant attitré ne pourra, avec ses 25 élèves, faire un suivi particulier auprès de tous ces enfants. Il faut le collectif avec les autres partenaires : les éducateurs des différentes organisations présentes aux côtés de l’Education nationale.
Mais pour tout cela il faut ce dont, même avant le confinement, les équipes du premier degré manquaient :
du temps de concertation pour le collectif.
Les questions, un instant mises de côté du fait de l’urgence de la situation du confinement, devront être remises sur la table. Car le rôle du directeur reste bien primordial dans le repérage de ces familles en difficulté. Et le lien avec les équipes de circonscriptions également.
Sans un temps suffisant de concertation entre ces collectifs et un ordre de mission pour les collègues non chargés de classe en ce moment, on aura beau proposer à ces élèves en difficulté, avant le déconfinement et jusqu’à la fin de l’année scolaire, « stage réussite » sur « stage réussite « en présentiel ou en distanciel », les intérêts qu’on en pourrait retirer resteront lettre morte.
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