« Où l'égalité ne se trouve pas, il ne peut y avoir de république »
Nicolas Machiavel : Les discours sur Tite-Live (1512-1517)
Après trois années de lutte du collectif Jean-Moulin pour un transfert « de murs à murs » du collège Jean-Moulin, celui-ci n’aura finalement pas lieu. Le collège sera désaffecté en fin d’année scolaire, la Mairie de Chartres, propriétaire des locaux, et Chartres Métropole considérant qu’il y a urgence à aménager le site en Maison internationale de la Cosmétique, pour un montant de 5,1 M d’euros d’argent public.
Le Conseil Départemental, après avoir modifié la carte scolaire et affecté l’ensemble des élèves sur d’autres collèges où il a procédé à des agrandissements, annonce à grands cris un projet d’ouverture d’un nouveau collège Jean-Moulin à la rentrée 2020 sur l’actuel site de l’ESPE, soit dans un délai théorique d’un an. Le respect de ce délai est mis en doute par les organisations syndicales du collectif Jean-Moulin dans leur dernière déclaration.
Des doutes justifiés sur Jean-Moulin 2
Le Sgen-CFDT Orléans-Tours, membre du collectif Jean-Moulin, déplore qu’un transfert de murs à murs ne permette pas de sécuriser l’avenir du Collège et de son personnel. Il s’inquiète également des conséquences de l’augmentation importante des effectifs dans plusieurs collèges, qui menace de dégrader les conditions d’apprentissage des élèves et d’exercice pour les personnels.
Au vu de documents présentés dernièrement en CDEN, on peut aisément constater que la capacité d’accueil maximale de plusieurs collèges de redéploiement sera loin d’être atteinte. Dans un contexte de restrictions budgétaires pour les Départements, tous les doutes sont permis sur l’engagement définitif du Conseil départemental dans ce projet.
Contre toute attente, alors même que le Collège n’a plus d’activité et que le site sera désaffecté, le Rectorat refuse d’accorder aux enseignants, CPE et personnel administratif le bénéfice d’une mesure de carte scolaire, considérant que ces personnels restent affectés au Collège Jean-Moulin.
La Rectrice considère en effet que le collège reste ouvert, même sans activité, sans dotation, sans services enseignants, sans élèves, sans existence matérielle et administrative d’un nouveau collège… Un collège « virtuel » dans l’académie ?
Le Rectorat souhaite maintenir une inscription du collège (UAI) au RNE (Répertoire National des Etablissements) et un chef d’établissement. Ces dispositions ne pèsent cependant pas lourd au regard de la compétence de création des collèges qui échoit au Département. Et elles n’empêchent pas de sécuriser les parcours des collègues en fermant les postes.
La Rectrice a donc pris la décision et le risque d’affecter le personnel titulaire du collège à titre provisoire pour une durée impossible à garantir, ouvrant un horizon d’instabilité et d’incertitude pour les collègues, et dégradant les conditions de travail d’un nombre non négligeable d’entre eux (affectations sur plusieurs établissements, établissement hors agglomération, et/ ou imposé, au contraire de ce qui avait été présenté comme un choix « large »).
L’incitation à participer au mouvement INTRA a d’autre part été ressentie par les collègues ayant peu d’ancienneté, donc un barème très faible, comme une véritable provocation.
Un scénario inédit !
Les situations des collègues ne seront donc pas soumises à l’avis d’une CAPA, puisqu’hors mouvement et hors barème de celui-ci. Voilà bien une situation « inédite » que personne ne semble dénoncer…
Quels semblent être les fondements d’une telle décision ? A plusieurs reprises, la Rectrice a exposé au personnel qu’il s’agissait de ne pas créer de « désordre » sur Chartres, de ne pas bouleverser un « écosystème » local. Doit-on croire à une coalition qui s’inscrirait en marge de l’application du droit ?
Un retournement aberrant
Bien des retours de collègues prouvent qu’une campagne a été menée visant à semer l’inquiétude chez les collègues des autres établissements, qui seraient confrontés à des « prédateurs » venant menacer leurs postes, leurs services. On appréciera le renversement de statut, habilement construit, qui fait passer les collègues de Jean-Moulin du statut de victimes d’une fermeture d’établissement à celui de fauteurs de trouble.
Céder à des enjeux locaux par une interprétation aussi arbitraire de la situation des collègues de Jean-Moulin est, contrairement à l’objectif visé, loin d’être rassurant. Au contraire, une telle décision ouvre pour tout un chacun un champ d’incertitude. Ainsi, tout agent confronté à une difficulté requérant une appréciation de sa situation, est désormais fondé à se demander : « En quoi puis-je être certain que mes intérêts ne seront pas sacrifiés à des enjeux extérieurs à ma situation, au nom d’une régulation locale ? Par qui serais-je soutenu, sur quels éléments d’appréciation ? »
Un étrange silence
Le silence de la quasi-totalité des organisations syndicales, à l’exception du Sgen-CFDT qui a appelé avec succès les collègues de Jean-Moulin à un mouvement de grève les 25-26-27 février, est d’autant plus surprenant que le projet de loi de la réforme de la fonction publique menace le rôle des CAP, leur rôle de vérification de l’équité, la garantie de transparence dans les opérations de gestion comme les mutations. Il est dénoncé par l’ensemble des organisations syndicales.
Alors, deux poids, deux mesures, en territoire chartrain ?